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En voyant Kitty, vous eussiez dit la statue de la Paix. L’ordre et le repos respiraient en elle, et tous ses gestes en étaient la preuve irrécusable. Elle s’appuyait à son comptoir et penchait sa tête, dans une attitude douce, en regardant ses beaux enfants. Elle croisait les bras, attendait les passants avec la plus angélique patience, et les recevait ensuite en se levant avec respect, répondait juste et seulement le mot qu’il fallait, faisait signe à ses garçons, ployait modestement la monnaie dans du papier pour la rendre, et c’était là toute sa journée, à peu de chose près.

J’avais toujours été frappé de la beauté et de la longueur de ses cheveux blonds, d’autant plus qu’en 1770 les femmes anglaises ne mettaient plus sur leur tête qu’un léger nuage de poudre, et qu’en 1770 j’étais assez disposé à admirer les beaux cheveux attachés en large chignon derrière le cou, et détachés en longs repentirs devant le cou. J’avais d’ailleurs une foule de comparaisons agréables au service de cette belle et chaste personne. Je parlais assez ridiculement l’anglais, comme nous faisons d’habitude, et je m’installais devant le comptoir, mangeant ses petits gâteaux et la comparant. Je la comparais à Paméla,