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trône d’or avec son bâton de mendiant et d’aveugle comme un sceptre entre les jambes, ses pieds fatigués, poudreux et meurtris, mais à ses pieds ses deux filles (deux déesses), l’Iliade et l’Odyssée. Une foule d’hommes couronnés le contemple et l’adore, mais debout, selon qu’il sied aux génies. Ces hommes sont les plus grands dont les noms aient été conservés, les Poètes, et si j’avais dit les plus malheureux, ce seraient eux aussi. Ils forment, de son temps au nôtre, une chaîne presque sans interruption de glorieux exilés, de courageux persécutés, de penseurs affolés par la misère, de guerriers inspirés au camp, de marins sauvant leur lyre de l’Océan et non des cachots ; hommes remplis d’amour et rangés autour du premier et du plus misérable, comme pour lui demander compte de tant de haine qui les immobiles d’étonnement.

Agrandissons ce plafond sublime dans notre pensée, haussons et élargissons cette coupole, jusqu’à ce qu’elle contienne tous les infortunés que la Poésie ou l’Imagination frappa d’une réprobation universelle ! Ah ! le firmament, en un beau jour d’août, n’y suffirait pas ; non, le firmament