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l’ordinaire, le silence était sur la place, et le bruit dans le château. Le peuple attendit encore son arrêt tout le jour, mais vainement. Les partis se formaient. La Commune enrôlait des Sections entières de la garde nationale. Les Jacobins étaient ardents à pérorer dans les groupes. On portait des armes ; on les entendait essayer par des explosions inquiétantes. La nuit revint, et l’on apprit seulement que Robespierre était plus fort que jamais, et qu’il avait frappé d’un discours puissant ses ennemis de la Convention. Quoi ! il ne tomberait pas ! Quoi ! il vivrait, il tuerait, il régnerait ! — Qui aurait eu, cette autre nuit, un toit, un lit, un sommeil ? — Personne autour de moi ne s’en souvint, et moi je ne quittai pas la place. J’y vécus, j’y pris racine.

Il arriva enfin, le second jour, le jour de crise, et mes yeux fatigués le saluèrent de loin. La Dispute foudroyante hurla tout le jour encore dans le Palais qu’elle faisait trembler. Quand un cri, quand un mot s’envolait au-dehors, il bouleversait Paris, et tout changeait de face. Les dés étaient jetés sur le tapis, et les têtes aussi. — Quelquefois un des pâles joueurs venait respirer et s’essuyer le front à une fenêtre ; alors le peuple