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sa journée ; qu’il avait reçu dix Représentants sans oser sortir ; que demain on allait attaquer Robespierre et que, le 9, il irait avec moi délivrer M. André ; qu’il prenait des forces ».

L’éveiller pour lui dire : « Ton frère est mort ; tu arriveras trop tard. Tu crieras : Mon frère ! et l’on ne te répondra pas ; tu diras : Je voulais le sauver, — et l’on ne te croira jamais, ni pendant ta vie ni après ta mort ! et tous les jours on t’écrira : « Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ? »

L’éveiller pour lui dire cela ? — Oh ! non !

« Qu’il prenne des forces, dis-je, il en aura besoin demain. »

Et je recommençai dans la rue ma nocturne marche, résolu de ne pas rentrer chez moi que l’événement ne fût accompli. Je passai la nuit à rôder de l’Hôtel de Ville au Palais-National, des Tuileries à l’Hôtel de Ville. Tout Paris semblait aussi bivouaquer.

Le jour du 8 Thermidor se leva bientôt, très brillant. Ce fut un bien long jour que celui-là. Je vis du dehors le combat intérieur du grand corps de la République. Au Palais-National, contre