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violemment de ma chambre en criant sur l’escalier : « Les bourreaux ! les scélérats ! livrez-moi si vous voulez, venez me chercher ! me voilà ! » — Et j’allongeais ma tête, comme la présentant au couteau. J’étais dans le délire.

Eh ! que faisais-je ? — Je ne trouvai sur les marches de l’escalier que deux petits enfants, ceux du portier. Leur innocente présence m’arrêta. Ils se tenaient par la main et, tout effrayés de me voir, se serraient contre la muraille pour me laisser passer comme un fou que j’étais. Je m’arrêtai et je me demandai où j’allais, et comment cette mort transportait ainsi celui qui avait tant vu mourir. — Je redevins à l’instant maître de moi ; et me repentant profondément d’avoir été assez insensé pour espérer pendant un quart d’heure de ma vie, je redevins l’impassible spectateur des choses que je fus toujours. — J’interrogeai ces enfants sur mon canonnier ; il était venu depuis le 5 Thermidor tous les matins à huit heures ; il avait brossé mes habits et dormi près du poêle. Ensuite, ne me voyant pas venir, il était parti sans questionner personne. — Je demandai aux enfants où était leur père. Il était allé sur la