Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

eût reçus à Versailles. Le bon langage ne s’oublie pas. En fermant les yeux, rien n’était changé : c’était un salon.

Je remarquai, à travers ces groupes, la figure pâle, un peu usée, triste et passionnée de ce jeune homme qui errait silencieusement à travers tout le monde, la tête basse et les bras croisés. Il avait quitté sur-le-champ mademoiselle de Coigny et marchait à grands pas, rôdant autour des piliers et lançant sur les murailles et les barreaux de fer les regards d’un lion enfermé. Il y avait dans son costume, dans cet habit gris taillé en uniforme, dans ce col noir et ce gilet croisé, un air d’officier. Costume et visage, cheveux noirs et plats, yeux noirs, tout était très ressemblant. C’était le portrait que j’avais sur moi, c’était André de Chénier. Je ne l’avais pas encore vu.

Madame de Saint-Aignan nous rapprocha l’un de l’autre. Elle l’appela, il vint s’asseoir près d’elle, il lui prit la main avec vitesse, la baisa sans rien dire et se mit à regarder partout avec agitation. De ce moment aussi, elle ne nous répondit plus, et suivit ses yeux avec inquiétude.

Nous formions un petit groupe dans l’ombre,