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voix douce et leur ton poli et réservé me firent deviner des gens bien élevés. Ils me saluèrent de leur place et se levèrent quand ils aperçurent la duchesse de Saint-Aignan. Nous passâmes plus loin.

A l’autre bout de la table était un autre groupe plus nombreux, plus jeune, plus vif, tout remuant, bruyant et riant ; un groupe pareil à un grand quadrille de la Cour en négligé, le lendemain du bal. C’étaient des jeunes personnes assises à droite et à gauche de leur grand-tante ; c’étaient des jeunes gens chuchotant, se parlant à l’oreille, se montrant du doigt avec ironie ou jalousie ; on entendait des demi-rires, des chansonnettes, des airs de danse, des glissades, des pas, des claquements de doigts remplaçant castagnettes et triangles ; ont s’était formé en cercle, on regardait quelque chose qui se passait au milieu d’un groupe nombreux. Ce quelque chose causait d’abord un moment d’attente et de silence, puis un éclat bruyant de blâme ou d’enthousiasme, des applaudissements ou des murmures de mécontentement, comme après une scène bonne ou mauvaise. Une tête s’élevait tout à coup, et tout à coup on ne la voyait plus.