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dit-on, arriver des chariots aujourd’hui, et ils ne partiront pas vides pour le tribunal révolutionnaire. »

Ici ses yeux s’attachèrent à la fenêtre et me parurent un peu égarés.

« Les chariots ! les terribles chariots ! dit-elle. Leurs roues ébranlent tous les murs de Saint-Lazare ! Le bruit de leurs roues m’ébranle tous les nerfs. Comme ils sont légers et bruyants quand ils roulent sous la voûte en entrant, et comme ils sont lents et lourds en sortant avec leur charge ! — Hélas ! ils vont venir se remplir d’hommes, de femmes et d’enfants aujourd’hui, à ce que j’ai entendu dire. C’est Rose qui l’a dit dans la cour, sous ma fenêtre, en chantant. La bonne Rose a une voix qui fait du bien à tous les prisonniers. Cette pauvre petite ! »

Elle se remit un peu, se tut un moment, passa sa main sur ses yeux qui s’attendrissaient, et reprenant son air noble et confiant :

« Ce que je voulais vous demander, me dit-elle en appuyant légèrement le bout de ses doigts sur la manche de mon habit noir, c’est un moyen