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de lit. Là dormait et veillait, sans se déranger jamais, l’immobile portier. Sa figure ridée, jaune, ironique, s’avançait au-dessus de ses genoux, et s’y appuyait par le menton. Ses deux jambes passaient à droite et à gauche par-dessus les deux bras du fauteuil, pour se délasser d’être assis à la manière accoutumée, et il tenait de la main droite ses clefs, de la gauche la serrure de la porte massive. Il l’ouvrait et la fermait comme par ressort et sans fatigue. — Je vis derrière son fauteuil une jeune fille debout, les mains dans les poches de son petit tablier. Elle était toute ronde, grasse et fraîche, un petit nez retroussé, des lèvres d’enfant, de grosses hanches, des bras blancs, et une propreté rare en cette maison. Robe d’étoffe rouge relevée dans les poches, et bonnet blanc orné d’une grande cocarde tricolore. Je l’avais déjà remarquée en passant, mais jamais avec attention. Cette fois, tout rempli des demi-confidences de mon canonnier Blaireau, je reconnus sa bonne amie Rose avec ce sentiment inné qui fait qu’on se dit, sans se tromper, d’un inconnu que l’on désirait voir : C’est lui.

Cette belle fille avait un air de bonté et de