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dans un marais. Il y avait un mépris, une douleur suffocante, un désespoir si vrai dans ce citoyen, que vous en eussiez frissonné, surtout si vous eussiez vu le bon vieillard se lever péniblement en appuyant ses deux mains à veines bleues sur ses deux genoux, pour réussir à s’enlever du fauteuil. Je l’arrêtai au moment où il allait arriver à se tenir debout, et je le replaçai doucement sur le coussin.

« Madame de Saint-Aignan ne vous a point trompé, lui dis-je ; vous êtes devant un homme sûr, monsieur. Je n’ai jamais trahi les soupirs de personne, et j’en ai reçu beaucoup, surtout des derniers soupirs, depuis quelque temps… »

Ma dureté le fit tressaillir.

« Je connais mieux que vous la situation des prisonniers, et surtout de celui qui vous doit la vie, et à qui vous pouvez l’ôter si vous continuez à vous remuer, comme vous dites. Souvenez-vous, monsieur, que dans les tremblements de terre il faut rester en place et immobile. »

Il ne répondit que par un demi-salut de résignation