Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/200

Cette page n’a pas encore été corrigée

avec défiance autour de lui, regarda derrière moi si personne ne me suivait, et se tint à l’écart sans entrer, comme pour laisser passer avant lui le jeune garçon qui était arrivé en même temps et qui secouait encore le cordon de la sonnette par son pied de biche. Il sonnait sur la mesure de La Marseillaise, qu’il sifflait (vous savez l’air probablement, en 1832 où nous sommes) ; il continua de siffler en me regardant effrontément, et de sonner jusqu’à ce qu’il fût arrivé à la dernière mesure. J’attendis patiemment et je lui donnai deux sous en lui disant :

« Recommence-moi ce refrain-là, mon enfant. »

Il recommença sans se déconcerter ; il avait fort bien compris l’ironie de mon présent, mais il tenait à me montrer qu’il me bravait. Il était fort joli de figure, portait sur l’oreille un petit bonnet rouge tout neuf, et le reste de son habillement déguenillé à faire soulever le cœur ; les pieds nus, les bras nus, et tout à fait digne de nom de Sans-Culotte.

« Le citoyen Robespierre est malade, me dit-