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C’est une doctrine qui m’est particulière, monsieur, qu’il n’y a ni héros ni monstre. — Les enfants seuls doivent se servir de ces mots-là. — Vous êtes surpris de me voir ici de votre avis, c’est que j’y suis arrivé par le raisonnement lucide, comme vous par le sentiment aveugle. Cette différence seule est entre nous, que votre cœur vous inspire, pour ceux que les hommes qualifient de monstres, une profonde pitié, et ma tête me donne pour eux un profond mépris. C’est un mépris glacial, pareil à celui du passant qui écrase la limace. Car, s’il n’y a de monstres qu’aux cabinets anatomiques, toujours y a-t-il de si misérables créatures, tellement livrées, et si brutalement, à des instincts obscurs et bas, tellement poussées, sous le vent de leur sottise, par le vent de la sottise d’autrui, tellement enivrées, étourdies et abruties du sentiment faux de leur propre valeur et de leurs droits établis on ne sait sur quoi, que je ne me sens ni rire ni larmes pour eux, mais seulement le dégoût qu’inspire le spectacle d’une nature manquée.

Les Terroristes sont de ces gens qui souvent m’ont fait ainsi détourner la vue ; mais aujourd’hui je l’y ramène pour vous, cette vue attentive