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rouillée d’une horloge sonnant lourdement les trois quarts d’une heure très avancée au-delà de minuit. Stello s’arrêta tout à coup au milieu de l’appartement, écoutant le marteau dont le bruit parut lui plaire ; il passa ses doigts dans ses cheveux comme pour s’imposer les mains à lui-même et calmer sa tête. On aurait pu dire, en l’examinant bien, qu’il ressaisissait intérieurement les rênes de son âme, et que sa volonté redevenait assez forte pour contenir la violence de ses sentiments désespérés. — Ses yeux se rouvrirent, s’arrêtèrent fixement sur les yeux du Docteur, et il se mit à parler avec tristesse, mais avec fermeté :

« Les heures de la nuit, quand elles sonnent, sont pour moi comme les voix douces de quelques tendres amies qui m’appellent et me disent, l’une après l’autre : Qu’as-tu ?

Jamais je ne les entends avec indifférence quand je me trouve seul à cette place où vous êtes, dans ce dur fauteuil où vous voilà. — Ce sont les heures des Esprits, des Esprits légers qui soutiennent nos idées sur leurs ailes transparentes et les font étinceler de clartés plus vives.