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elle se laisse complaisamment et fort plaisamment instruire.

Ainsi, monsieur, nous raisonnions sur Chatterton ; j’allais vous faire, avec une grande assurance, une dissertation scientifique sur le vieil anglais, sur son mélange de saxon et de normand, sur ses e muets, ses y, et la richesse de ses rimes en aie et en ynge. J’allais pousser des gémissements pleins de gravité, d’importance et de méthode, sur la perte irréparable des vieux mots si naïfs et si expressifs de emburled au lieu de armed, de deslavatie pour unfaithfulness, de acrool pour faintly ; et des mots harmonieux de myndbruche pour firmness of mind, mysterk pour mystic, ystorven pour dead. Certainement, traduisant si facilement l’anglais de 1449 en anglais de 1832, il n’y a pas une chaire de bois de sapin tachée d’encre d’où je ne me fusse montré très imposant à vos yeux. Dans ce fauteuil même, malgré sa propreté, j’aurais pu encore vous jeter dans un de ces agréables étonnements qui font que l’on se dit : C’est un puits de Science, lorsque je me suis aperçu fort à propos que vous connaissiez votre Chatterton, ce qui n’arrive pas souvent à Londres (ville où l’on voit pourtant