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détails sur Chatterton ! Vous connaissez aussi bien que moi ses ouvrages.

— C’est assez ma coutume, reprit Stello nonchalamment, de me laisser instruire avec résignation sur les choses que je sais le mieux, afin de voir si on les sait de la même manière que moi ; car il y a diverses manières de savoir les choses.

— Vous avez raison, dit le Docteur ; et, si vous faisiez plus de cas de cette idée au lieu de la laisser s’évaporer, comme au-dehors d’un flacon débouché, vous diriez que c’est un spectacle curieux que de voir et mesurer le peu de chaque connaissance que contient chaque cerveau : l’un renferme d’une Science le pied seulement, et n’en a jamais aperçu le corps ; l’autre cerveau contient d’elle une main tronquée ; un troisième la garde, l’adore, la tourne, la retourne en lui-même, la montre et la démontre quelquefois dans l’état précisément du fameux Torse, sans la tête, les bras et les jambes ; de sorte que, tout admirable qu’elle est, sa pauvre Science n’a ni but, ni action, ni progrès ; les plus nombreux