Page:Vigny - Stello ou Les diables bleus, 1832.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autres ont ri ; un grand nombre m’a injurié ; tous m’ont foulé aux pieds. J’espérais que l’illusion de ce nom supposé ne serait qu’un voile pour moi ; je sens qu’elle m’est un linceul.

O ma belle amie, sage et douce hospitalière qui m’avez recueilli ! croirez-vous que je n’ai pu réussir à renverser la fantôme de Rowley que j’avais créé de mes mains ? Cette statue de pierre est tombée sur moi et m’a tué ; savez-vous comment ?

O douce et simple Kitty Bell ! savez-vous qu’il existe une race d’hommes au cœur sec et à l’œil microscopique, armée de pinces et de griffes ? Cette fourmilière se presse, se roule, se rue sur le moindre de tous les livres, le ronge, le perce, le lacère, le traverse plus vite et plus profondément que le ver ennemi des bibliothèques. Nulle émotion n’entraîne cette impérissable famille, nulle inspiration ne l’enlève, nulle clarté ne la réjouit ni l’échauffe ; cette race indestructible et destructive, dont le sang est froid comme celui de la vipère et du crapaud, voit clairement les trois taches du soleil et n’a jamais remarqué