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sentais flotter et s’égarer dans le tâtonnement aveugle du rêve, mais toujours les ailes déployées, toujours le cou tendu, toujours l’œil ouvert dans les ténèbres, toujours élancée vers le but où l’entraînait un mystérieux désir. Aujourd’hui la fatigue accable mon âme, et elle est semblable à celles dont il est dit dans le Livre saint : Les âmes blessées pousseront leurs cris vers le ciel.

Pourquoi ai-je été créé tel que je suis ? J’ai fait ce que j’ai dû faire, et les hommes m’ont repoussé comme un ennemi. Si dans la foule il n’y a pas place pour moi, je m’en irai.

Voici maintenant ce que j’ai à vous dire :

On trouvera dans ma chambre, au chevet de mon lit, des papiers et des parchemins confusément entassés. Ils ont l’air vieux, et ils sont jeunes : la poussière qui les couvre est factice ; c’est moi qui suis le Poète de ces poèmes ; le moine Rowley, c’est moi. J’ai soufflé sur sa cendre ; j’ai reconstruit son squelette ; je l’ai revêtu de chair ; je l’ai ranimé ; je lui ai passé sa robe de prêtre ; il a joint les mains et il a chanté.

Il a chanté comme Ossian. Il a chanté la