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DE SERVITUDE MILITAIRE.

pas trop d’autant de têtes qu’il y a de combattants. Pour être responsables de la loi de sang qu’elles exécutent, il serait juste qu’elles l’eussent au moins bien comprise. Mais les institutions meilleures, réclamées ici, ne seront elles-mêmes que très passagères ; car, encore une fois, les armées et la guerre n’auront qu’un temps ; car, malgré les paroles d’un sophiste que j’ai combattu ailleurs, il n’est point vrai que, même contre l’étranger, la guerre soit divine ; il n’est point vrai que la terre soit avide de sang. La guerre est maudite de Dieu et des hommes même qui la font et qui ont d’elle une secrète horreur, et la terre ne crie au ciel que pour lui demander l’eau fraîche de ses fleuves et la rosée pure de ses nuées.

Ce n’est pas, du reste, dans la première jeunesse, toute donnée à l’action, que j’aurais pu me demander s’il n’y avait pas de pays modernes où l’homme de la guerre fût le même que l’homme de la paix, et non un homme séparé de la famille et placé comme son ennemi. Je n’examinais pas ce qu’il nous serait bon de prendre aux anciens sur ce point ; beaucoup de projets d’une organisation plus sensée des armées ont été enfantés inutilement. Bien loin d’en mettre aucune à exécution, ou seulement en lumière, il est probable que le pouvoir, quel qu’il soit, s’en éloignera toujours de plus en plus, ayant intérêt à s’en-