Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
SOUVENIRS

je crois, un vieux capitaine d’infanterie de ligne à qui je le décrivis, en attendant la parade, me dit :

— Eh ! pardieu, mon cher, je l’ai connu, le pauvre diable ! C’était un brave homme ; il a été descendu par un boulet à Waterloo. Il avait, en effet, laissé aux bagages une espèce de fille folle que nous menâmes à l’hôpital d’Amiens, en allant à l’armée de la Loire, et qui y mourut, furieuse, au bout de trois jours.

— Je le crois bien, lui dis-je ; elle n’avait plus son père nourricier !

— Ah bah ! père ! qu’est-ce que vous dites donc ? ajouta-t-il d’un air qu’il voulait rendre fin et licencieux.

— Je dis qu’on bat le rappel, repris-je en sortant. Et moi aussi, j’ai fait abnégation.