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faux éclat, sans charlatanisme, qui n’ont aimé le pouvoir et le commandement que pour le bien public, l’ont gardé sans orgueil, et n’ont su ni le tourner contre la Patrie, ni le convertir en or ; je songeais à tous les hommes qui ont fait la guerre avec l’intelligence de ce qu’elle vaut, je pensais au bon Collingwood, si résigné, et enfin à l’obscur capitaine Renaud, lorsque je vis entrer un homme de haute taille, vêtu d’une longue capote bleue en assez mauvais état. À ses moustaches blanches, aux cicatrices de son visage cuivré, je reconnus un des grenadiers de sa compagnie ; je lui demandai s’il était vivant encore, et l’émotion de ce brave homme me fit voir qu’il était arrivé malheur. Il s’assit, s’essuya le front, et quand il se fut remis, après quelques soins et un peu de temps, il me dit ce qui lui était arrivé.

Pendant les deux jours du 28 et du 29 juillet, le capitaine Renaud n’avait fait autre chose que marcher en colonne, le long des rues, à la tête de ses grenadiers ; il se plaçait devant la première section de sa colonne, et allait paisiblement au milieu d’une grêle de pierres et de coups de fusil qui partaient des cafés, des balcons et des fenêtres. Quand il s’arrêtait, c’était pour faire serrer les rangs ouverts par ceux qui tombaient, et pour regarder si ses guides de gauche se tenaient à leurs distances et à leurs chefs de file. Il n’avait