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tort. J’aurais dû vous laisser en prison dans

le Northumberland en pleine terre et vous rendre votre parole. Vous

auriez pu conspirer sans remords contre vos gardiens et user d’adresse, sans scrupule, pour vous échapper. Vous avez souffert davantage, ayant plus de liberté ; mais, grâce à Dieu ! vous avez résisté hier à une occasion qui vous déshonorait. — C’eût été échouer au port, car depuis quinze jours je négociais votre échange, que l’amiral Rosily vient de conclure. — J’ai tremblé pour vous hier, car je savais le projet de vos camarades. Je les ai laissés s’échapper à cause de vous, dans la crainte qu’en les arrêtant on ne vous arrêtât. Et comment aurions-nous fait pour cacher cela ? Vous étiez perdu, mon enfant, et, croyez-moi, mal reçu des vieux braves de Napoléon. Ils ont le droit d’être difficiles en Honneur. »

J’étais si troublé que je ne savais comment le remercier ; il vit mon embarras, et, se hâtant de couper les mauvaises phrases par lesquelles j’essayais de balbutier que je le regrettais :

« Allons, allons, me dit-il, pas de ce que nous appelons French compliments ; nous sommes contents l’un de l’autre, voilà tout ; et vous avez, je crois, un proverbe qui dit : Il n’y a pas de belle prison. — Laissez-moi mourir dans la mienne, mon ami ; je m’y suis acco