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— « J’ai trouvé peu d’occasions de vous parler, milord.

— Encore moins, interrompit-il ; vous m’auriez parlé de cela tous les jours, si vous l’aviez voulu. »

Je remarquai de l’agitation et un peu de reproche dans son accent. C’était là ce qui lui tenait au cœur. Je m’avisai encore d’une autre sorte de réponse pour me justifier ; car rien ne rend aussi niais que les mauvaises excuses.

— « Milord, lui dis-je, le sentiment humiliant de la captivité absorbe plus que vous ne pouvez croire. » Et je me souviens que je crus prendre, en disant cela, un air de dignité et une contenance de Régulus, propres à lui donner un grand respect pour moi.

— « Ah ! pauvre garçon ! pauvre enfant ! — poor boy ! me dit-il, vous n’êtes pas dans le vrai. Vous ne descendez pas en vous-même. Cherchez bien, et vous trouverez une indifférence dont vous n’êtes pas comptable, mais bien la destinée militaire de votre pauvre père. »

Il avait ouvert le chemin à la vérité, je la laissai partir.

— « Il est certain, dis-je, que je ne connaissais pas mon père : je l’ai à peine vu à Malte, une fois.

— Voilà le vrai ! cria-t-il. Voilà le cruel, mon ami ! Mes deux filles diront un jour comme cela. Elles diront : Nous ne connaissons pas notre