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Elle avait enfoncé trois bombes à six pieds sous terre, broyé des pavés sous des boulets, brisé un canon de bronze par le milieu, jeté dans toutes les chambres toutes les fenêtres et toutes les portes, enlevé sur les toits les volets de la grande poudrière, sans un grain de sa poudre ; elle avait roulé dix grosses bornes de pierre comme les pions d’un échiquier renversé ; elle avait cassé les chaînes de fer qui les liaient, comme on casse des fils de soie, et en avait tordu les anneaux comme on tord le chanvre ; elle avait labouré sa cour avec les affûts brisés, et incrusté dans les pierres les pyramides de boulets, et, sous le canon le plus prochain de la poudrière détruite, elle avait laissé vivre la poule blanche que nous avions remarquée la veille. Quand cette poule sortit paisiblement avec ses petits, les cris de joie de nos bons soldats l’accueillirent comme une ancienne amie, et ils se mirent à la caresser avec l’insouciance des enfants.

Elle tournait en coquetant, rassemblant ses petits et portant toujours son aigrette rouge et son collier d’argent. Elle avait l’air d’attendre le maître qui lui donnait à manger, et courait tout effarée entre nos jambes, entourée de ses poussins. En la suivant, nous arrivâmes à quelque chose d’horrible.

Au pied de la chapelle étaient couchées la