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ne l’a pas voulu. J’ai roulé depuis avec les canons de la République et de l’Empire, et je peux dire que, de Marengo à la Moscowa, j’ai vu de bien belles affaires ; mais je n’ai pas eu de plus beau jour dans ma vie que celui que je vous ai raconté là. Celui où je suis entré dans la Garde Royale a été aussi un des meilleurs. J’ai repris avec tant de joie la cocarde blanche que j’avais dans le Royal-Auvergne ! Et aussi, mon lieutenant, je tiens à faire mon devoir, comme vous l’avez vu. Je crois que je mourrais de honte, si, demain à l’inspection, il me manquait une gargousse seulement ; et je crois qu’on a pris un baril au dernier exercice à feu, pour les cartouches de l’infanterie. J’aurais presque envie d’y aller voir, si ce n’était la défense d’y entrer avec des lumières.

Nous le priâmes de se reposer et de rester avec ses enfants, qui le détournèrent de son projet ; et, en achevant son petit verre, il nous dit encore quelques traits indifférents de sa vie : il n’avait pas eu d’avancement parce qu’il avait toujours trop aimé les corps d’élite et s’était trop attaché à son régiment. Canonnier dans la Garde des consuls, sergent dans la Garde Impériale, lui avaient toujours paru de plus hauts grades qu’officier de la ligne. J’ai vu beaucoup de

grognards pareils. Au reste, tout ce qu’un soldat peut avoir de

dignités, il l’avait : fusil d’honneur