Page:Vigny - Servitude et grandeur militaires, 1885.djvu/137

Cette page n’a pas encore été corrigée

poudrés et roses, très jolis et si petits qu’on ne voyait de loin que leurs grosses bottes à l’écuyère. Ils portaient de gros bouquets à leur jabot, et les chevaux portaient aussi de gros bouquets sur l’oreille.

Ne voilà-t-il pas que l’écuyer qui courait en avant des chevaux s’arrêta précisément devant la porte de monsieur le curé, où la voiture eut la bonté de s’arrêter aussi et daigna s’ouvrir toute grande. Il n’y avait personne dedans. Comme Pierrette regardait avec de grands yeux, l’écuyer ôta son chapeau très poliment et la pria de vouloir bien monter en carrosse.

Vous croyez peut-être que Pierrette fit des façons ? Point du tout ; elle avait trop de bon sens pour cela. Elle ôta simplement ses deux sabots, qu’elle laissa sur le pas de la porte, mit ses souliers à boucles d’argent, ploya proprement son ouvrage, et monta dans le carrosse en s’appuyant sur le bras du valet de pied, comme si elle n’eût fait autre chose de sa vie, parce que, depuis qu’elle avait changé de robe avec la Reine, elle ne doutait plus de rien.

Elle m’a dit souvent qu’elle avait eu deux grandes frayeurs dans la voiture : la première, parce qu’on allait si vite que les arbres de l’avenue de Montreuil lui paraissaient courir comme des fous l’un après l’autre ; la seconde, parce qu’il lui semblait qu’en s’asseyant sur les