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il, tu n’es pas sage, et tu as trop d’orgueil et d’ambition, mon ami ; n’aimerais-tu pas mieux être remplacé, si quelqu’un payait pour toi, et venir épouser ta petite Pierrette ?

— Michel ! Michel ! lui dis-je, tu t’es beaucoup gâté dans le monde ; je ne sais pas ce que tu y fais, et tu ne m’as plus l’air d’y être maçon, puisque au lieu d’une veste tu as un habit noir de taffetas ; mais tu ne m’aurais pas dit ça dans le temps où tu répétais toujours : Il faut faire son sort soi-même. — Moi, je ne veux pas l’épouser avec l’argent des autres, et je fais moi-même mon sort, comme tu vois. — D’ailleurs, c’est la Reine qui m’a mis ça dans la tête, et la Reine ne peut pas se tromper en jugeant ce qui est bien à faire. Elle a dit elle-même : Il sera soldat, et je les marierai ; elle n’a pas dit : Il reviendra après avoir été soldat.

— Mais, me dit Michel, si par hasard la Reine te voulait donner de quoi l’épouser, le prendrais-tu ?

— Non, Michel, je ne prendrais pas son argent, si par impossible elle le voulait.

— Et si Pierrette gagnait elle-même sa dot ? reprit-il.

— Oui, Michel, je l’épouserais tout de suite, » dis-je.

Ce bon garçon avait l’air tout attendri.

— « Eh bien ! reprit-il, je dirai cela à la Reine.