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LES DESTINÉES.

Esclave de tes fils et de tes filles blanches,
Car ma tribu n’est plus, et ses dernières branches
Sont mortes. Les Hurons, cette nuit, ont scalpé
Mes frères ; mon mari ne s’est point échappé.
Nos hameaux sont brûlés comme aussi la prairie.
J’ai sauvé mes deux fils à travers la tuerie ;
Je n’ai plus de hamac, je n’ai plus de maïs,
Je n’ai plus de parents, je n’ai plus de pays. »
— Elle dit sans pleurer et sur le seuil se pose,
Sans que sa ferme voix ajoute aucune chose.

Le Maître, d’un regard intelligent, humain,
Interroge sa femme en lui serrant la main.
« Ma sœur, dit-il ensuite, entre dans ma famille ;
Tes pères ne sont plus ; que leur dernière fille