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LES DESTINÉES.


Le pur enthousiasme est craint des faibles âmes
Qui ne sauraient porter son ardeur ni son poids.
Pourquoi le fuir ? — La vie est double dans les flammes.
D’autres flambeaux divins nous brûlent quelquefois :
C’est le Soleil du ciel, c’est l’Amour, c’est la Vie ;
Mais qui de les éteindre a jamais eu l’envie ?
Tout en les maudissant, on les chérit tous trois.

La Muse a mérité les insolents sourires
Et les soupçons moqueurs qu’éveille son aspect.
Dès que son œil chercha le regard des satyres,
Sa parole trembla, son serment fut suspect,
Il lui fut interdit d’enseigner la sagesse.
Au passant du chemin elle criait : « Largesse ! »
Le passant lui donna sans crainte et sans respect.