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LES DESTINÉES.

Ces faux Athéniens dépourvus d’atticisme,
Qui nous soufflent aux yeux des bulles de sophisme,
N’ont découvert un mot par qui fût condamné
L’homme aveuglé d’esprit plus que l’aveugle-né.

C’est assez de souffrir sans se juger coupable
Pour avoir entrepris et pour être incapable.
J’aime, autant que le fort, le faible courageux
Qui lance un bras débile en des flots orageux,
De la glace d’un lac plonge dans la fournaise
Et d’un volcan profond va tourmenter la braise.
Ce Sisyphe éternel est beau, seul, tout meurtri,
Brûlé, précipité, sans jeter un seul cri,
Et n’avouant jamais qu’il saigne et qu’il succombe
À toujours ramasser son rocher qui retombe.