Il tombe ; mais il parle, et sa tremblante voix
S’efforce à ce discours entrecoupé trois fois :
« Pour qui donc cet autel au milieu des ténèbres ?
n’y chantez pas, ou bien dites des chants funèbres.
Quel Espagnol ne sait les hymnes du trépas ?
Les nouveaux noms des morts ne vous manqueront pas :
J’apporte sur vos monts de sanglantes nouvelles !
— Quoi ! le Roi n’est-il plus ? disaient les voix fidèles.
— Pleurez. — Il est donc mort ? — Pleurez, il est vivant ! »
Et le jeune martyr, sur un bras se levant,
Tel qu’un gladiateur dont la paupière errante
Cherche le sol qui tourne et fuit sa main mourante :
« Nos combats sont finis, dit-il, en un seul jour ;
Les taureaux ont quitté le cirque, et sans retour,
Puisque le spectateur à qui s’offrait la lutte
N’a pas daigné lui-même applaudir à leur chute.
Pour vous, si vous savez les secrets du devoir,
Partez, je vais mourir avant de les savoir.
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