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Et devant ta face
Tout s’unit en toi.
Je vois tout s’y peindre,
Je vois, sans les plaindre,
Les mondes s’éteindre
Et fuir devant moi.

Je puiserai ma force en ta force suprême,
J’ose marcher vers toi, j’ose lever les yeux.
Un seul de tes regards me révèle à moi-même :
Je m’étais échappé de ton sein radieux.

Perdu comme l’étincelle
Qui, dans les nuits de l’été,
Blanche et légère parcelle
D’une immortelle clarté,
Quitte le chœur des étoiles,
Des vapeurs perce les voiles,
Et tombe sur les roseaux
Et s’éteint au fond des eaux.

Laisse-moi pour un jour retourner sur la terre :
Là, sur mon marbre noir, sous ma croix solitaire,
J’irai m’asseoir en souriant ;
Dire : « Je vis toujours » à ceux qui me regrettent,
Qui, posant leurs genoux sur les fleurs qu’ils y jettent,
Viennent me pleurer en priant.


Archives Marc Sangnier ; P. Flottes, Alfred de Vigny, p. 80.

Ce serait donc au lendemain de la visite à Walter Scott que cette « élévation » aurait tenté d’exprimer une manière d’essor extatique : est-ce une évasion vers l’ineffable ? On peut y noter des analogies avec L’Hymne de la Mort de Lamartine (Harmonies, livre IV,