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JOURNAL D’UN POÈTE

Je puis donc séparer le passé de mes jours en ces deux grandes parts. Temps que j’ai bien vus et bien observés du sombre point de vue où j’étais placé.


aperçus généraux à classer. — La sévérité froide et un peu sombre de mon caractère n’était pas native.

Elle m’a été donnée par la vie.

— Une sensibilité extrême, refoulée dès l’enfance par les maîtres, et à l’armée par les officiers supérieurs, demeura enfermée dans le coin le plus secret du cœur. — Le monde ne vit plus, pour jamais, que les idées.

— Le Docteur noir seul parut en moi, Stello se cacha.

— J’étais malade en 1819, je crachais le sang. Mais, comme, à force de jeunesse et de courage, je me tenais debout, marchais et sortais, il fallut continuer le service jusqu’à la mort. Ce n’est que lorsqu’un homme est mort qu’on croit à sa maladie dans un régiment. — Après son enterrement, on dit : « Il paraît qu’il était vraiment malade. » — S’il est au lit, on dit : « Il fait semblant. » — S’il est malade de la poitrine et sort pour prendre l’air, on dit : « C’est se moquer de ses camarades et leur faire faire son service. » — Cette dureté se gagne. On se moque de vous si vous avez pitié d’un soldat. Là, vous avez horreur d’un homme qui se brûle la cervelle, on croit que cette résolu-