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JOURNAL D’UN POÈTE


Étant malade aujourd’hui, j’ai brûlé, dans la crainte des éditeurs posthumes : une tragédie de Roland, une de Julien l’Apostat, et une d’Antoine et Cléopâtre, essayées, griffonnées, manquées par moi de dix-huit à vingt ans.

Il n’y avait de supportable dans Roland qu’un vers, sur Jésus-Christ :

Fils exilé du ciel, tu souffris au désert.


Je sors d’une longue maladie qui avait les symptômes du choléra.

Je suis étonné de n’être pas mort. J’ai souffert en silence des douleurs horribles, je croyais bien me coucher pour mourir.

Mon sursis est prolongé, à ce qu’il me semble.


La deuxième consultation sur le suicide. Elle renfermera tous les genres de suicide et des exemples de toutes leurs causes analysées profondément.

Là, j’émettrai toutes mes idées sur la vie. Elles sont consolantes par le désespoir même.

Il est bon et salutaire de n’avoir aucune espérance.

L’espérance est la plus grande de nos folies.