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ALFRED DE VIGNY

poésie du devoir » et, de cette pensée exquise, il faisait la devise de sa vie ; — si l’un y est touché d’une sensibilité qui n’était pas seulement imaginative et intellectuelle : on lira le récit émouvant de la mort de sa mère, moment de détresse où il fut visité par les espérances religieuses ; si l’on y sent une bonté aimante qui lui faisait noter comme bonheurs à lui arrivés des choses heureuses survenues à ses amis, j’aurai publié quelque chose de plus rare qu’un poëme ou un roman inédit d’Alfred de Vigny, j’aurai montré Alfred de Vigny.

Au surplus, j’ai déjà mieux qu’une espérance. Ces fragments, avant d’être réunis ici, ont pour la plupart déjà vu le jour ou au moins le demi-jour dans une Revue. Des journaux en ont reproduit quelque chose. Et ce qu’on en a pu lire a causé une vive sensation. Je le savais bien, ô noble poëte ! que tu paraîtrais plus grand à ceux qui approcheraient de toi ; j’avais le sentiment, cher et paternel ami, qu’en publiant ces notes frustes et pourtant si éloquentes, j’arrachais à la tombe quelque chose de ton génie, et, mieux encore, je faisais revenir comme l’ombre de ta belle âme !