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JOUTRNAL D’UN POÈTE

après le 2 décembre, Alfred de Vigny reçut dans son château de Maine-Giraud, près d’Angoulême, une invitation du prince-président en voyage, et en train de faire, lui aussi, comme il le dit au poëte, « son roman historique, » qui allait s’appeler l’Empire. Alfred de Vigny avait connu le prince dans l’exil, à Londres. Des sympathies toutes personnelles ont été attribuées par la malignité à une mesquine ambition. Il aurait chassé quelque vaine dignité qu’il n’aurait même pas obtenue. Jamais homme ne fut plus au-dessus de cette banale accusation. Il vivait dans une région au-dessus des préoccupations de l’intérêt et de la petite ambition, au-dessus des partis et des coteries politiques, dans l’impossibilité même de capituler ; car, ainsi que le disait M. Antony Deschamps, un de ses plus fidèles témoins :

Il n’attacha jamais de cocarde à sa muse.

» J’ai dans les mains des notes qui témoignent de ses sympathies élevées pour l’impérial interlocuteur qu’il eut quelquefois, et il n’en fit jamais mystère. Mais, un jour, un ministre lui demanda une cantate pour un berceau entouré d’hommages, salué de grandes espérances. Alfred de Vigny répondit qu’il ne savait pas faire « de ces choses-là ». Et