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JOURNAL D’UN POÈTE

comme André Chénier. En 1822, il publie son premier volume de vers, Héléna, qui empruntait son nom au poëme le plus étendu du recueil, celui justement qu’il jugea plus tard inférieur à ses autres compositions et qu’il n’a plus réimprimé dans ses poésies complètes. Pendant les marches de sa vie errante et militaire, dans les Vosges, ou dans les montagnes des Pyrénées qu’on ne lui avait pas permis de franchir avec les bataillons de la guerre d’Espagne, il continuait de vivre avec la Muse, portant dans sa giberne quelques poëtes anciens et surtout la Bible, dont le génie a imprégné plusieurs de ses plus belles compositions : Moïse, le Déluge, la Femme adultère. En 1823 paraissait le poëme exquis d’Éloa, la sœur des anges, née d’une larme, l’aile brisée par la pitié. Ainsi, pendant que Lamartine publiait ses Méditations, Hugo ses Odes et Ballades, lui, trop contenu, trop discret pour les effusions lyriques, il avait trouvé, lui aussi, des sentiers nouveaux, dramatisant une pensée philosophique sous forme de récit et composant sans parti pris, en se laissant aller à son grave et doux génie, des poëmes qui, comme les œuvres de ses rivaux, n’avaient point de modèles.

» Pendant plusieurs années, les gloires nouvelles se faisaient écho, Cinq-Mars répondait à Notre-Dame,