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JOURNAL D’UN POÈTE

empêcher l’eau de pénétrer, et une grille de fer. Dimanche, cela sera posé. J’y reviendrai pour décider la forme du monument.

12 MARS. — Soirée chez madame de la Grange (la marquise Édouard de la Grange ) donnée pour me faire rencontrer avec Lamartine. Vingt personnes environ. Les lampes voilées pour la vue d’Edouard. — Lamartine vient à moi et nous causons deux heures dans un petit coin sombre, comme dit le Misanthrope. Il est incroyable combien un salon fait dire de sottises aux gens d’esprit par les distractions qu’il donne. J’ai fort étonné Lamartine en lui disant que je n’étais de son avis sur rien. Nous avons parlé d’abord des lois de septembre et de la censure. Je lui ai reproché en termes polis d’avoir abandonné la question des théâtres et lui ai dit que le théâtre à présent était un instrument mutilé et imparfait ; que mon opinion était que l’on ne devait pas avoir de censure ; qu’une pièce condamnée par le public était morte à jamais, et que, par le gouvernement, elle vivait d’une vie secrète et menaçante ; sous la Restauration, on en vit cent exemples. — Il a en l’idée d’un jury de gens ayant intérêt à l’ordre, jury élu. Et ce terme moyen, je ne l’ai