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JOURNAL D’UN POÈTE

L’autre jour, je montai à Montmartre.

Ce qui m’attrista le plus fut le silence de Paris quand on le contemple d’en haut. Cette grande ville, cette immense cité ne fait donc aucun bruit, et que de choses s’y disent ! que de cris s’y poussent ! que de plaintes au ciel ! Et l’amas de pierres semble muet.

Un peu plus haut, que serait cette ville, que serait cette terre ? Que sommes-nous pour Dieu ?

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Je pense qu’il y a des cas où la dissipation est coupable. Il est mal et lâche de chercher à se distraire d’une noble douleur pour ne pas souffrir autant. Il faut y réfléchir et s’enferrer courageusement dans cette épée.

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DAPHNÉ. — Julien commence un poëme ; dans les intervalles, il dirige le monde et gagne des batailles. Il donne le poëme à un de ses amis, Libanius, en mourant.

Un vers lui coûte plus que le plan d’une bataille.

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Il m’est arrivé ce mois-ci trois choses heureuses : Emile Péhant, placé à Vienne comme professeur de rhétorique. — Sauvé.