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Tous les guerriers d’Ammon ont attristé leurs mères,
Et leurs veuves ont bu l’eau des larmes amères.
Israël est vainqueur, et par ses cris perçans
Reconnaît du Très-Haut les secours tout-puissans.

À l’hymne universel que le désert répète
Se mêle en longs éclats le son de la trompette,
Et l’armée, en marchant vers les tours de Maspha,
Leur raconte de loin que Jephté triompha.

Le peuple tout entier tressaille de la fête.
Mais le sombre vainqueur marche en baissant la tête ;
Sourd à ce bruit de gloire, et seul, silencieux,
Tout à coup il s’arrête, il a fermé ses yeux.

Il a fermé ses yeux, car au loin, de la ville,
Les vierges, en chantant, d’un pas lent et tranquille
Venaient ; il entrevoit le chœur religieux,
C’est pourquoi, plein de crainte, il a fermé ses yeux.