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« Le sang du fer vengeur s’essuiera dans la terre
« Je veux qu’il creuse là ta fosse solitaire ;
« Dans l’urne inattendue où ne luit aucun nom,
« Ta cendre va dormir au pied du Parthenon.
« Dans ce vase de mort, teint d’une antique rouille,
« On ne versa jamais plus lugubre dépouille,
« Tant de malheurs dedans, et tant de pleurs dehors
« N’ont jamais affligé ses funéraires bords.
« Et certes cette gloire au moins nous est bien due,
« D’avoir de tout malheur dépassé l’étendue.
« — Ni l’homme d’aujourd’hui, ni la postérité
« N’oseront te sonder jusqu’à la vérité,
« Jeune cendre ; et des maux de ce jour de misères
« La moitié suffirait aux désespoirs vulgaires.
« Quand un passant viendra chercher, en se courbant,
« Quelques vieux noms de morts dérobés au turban,
« Il trouvera cette urne, et, déterrant sa proie,
« Rassasiera de nous sa curieuse joie ;
« Il tournera long-temps ce bronze, et, pour jamais,
« Dispersera dans l’air la beauté que j’aimais.
« Et si son cœur tressaille à l’aspect de sa cendre,
« Si dans des maux passés il consent à descendre ;