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Mais que les aboiements d’une meute lointaine
Rendent sûrs ses dangers et sa fuite incertaine,
Il s’éloigne à regret ; son œil menace et luit
Sur l’ennemi sauvé que lui rendra la nuit :
Tandis que, rassuré dans sa retraite humide,
Le troupeau laboureur, devenu moins timide,
Sortant des eaux ses pieds fourchus et limoneux,
Contemple le combat des limiers généreux.
Tels les Athéniens, du haut de leurs murailles,
Écoutaient, regardaient les poudreuses batailles.
« Quels pas ont soulevé ce nuage lointain ?
« Ces sables volent-ils sous le vent du matin ?
« Se disaient-ils : quittant l’Afrique dévorée,
« Le Semoun flamboyant souffle-t-il du Pyrée ?
« Il accourt vers Athène, et renverse en courant
« L’Ottoman qui résiste, et le laisse mourant.
« Ce sont des Grecs ; voyez, voyez notre bannière !
« Elle est resplendissante à travers la poussière. »
Mora la soutenait, et ses exploits errans
Bien loin derrière lui laissaient les premiers rangs.
Tenant sa main, paraît la belle et jeune fille,
Pâle ; un crucifix d’or au-dessus d’elle brille :