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« Car j’ai des ennemis, je demande le sang,
« Je pleure, et cependant mon cœur est innocent,
« Mon cœur est innocent, et je suis criminelle. »
Et puis sa voix s’éteint, et sa lèvre décèle
Ce murmure sans bruit par le vent emporté :
« Et j’unis l’infamie avec la pureté ! »



D’abord le jeune Grec, d’une oreille ravie,
Écoutait ces accents de bonheur et de vie.
À genoux devant elle, il admirait ses yeux,
Humides, languissants et tournés vers les Cieux ;
Immobile, attentif, il laissait fuir à peine
De sa bouche entr’ouverte une brûlante haleine ;
Il la voyait renaître : oubliant de souffrir,
Dans son heureuse extase il eût voulu mourir.
Mais lorsqu’il entendit sa mobile pensée
Redescendre à se plaindre, il la dit insensée ;
Prenant ses blanches mains qu’il arrosait de pleurs,
Habile à détourner le cours de ses douleurs,