« D’un règne légitime eût reposé les droits
« Sous les bras protecteurs de l’éternelle Croix,
« Jamais de la Morée et de nos belles îles
« Le tocsin n’eût troublé les rivages tranquilles.
« Libres du janissaire, inconnus au bazar,
« Notre main eût porté son tribut à César.
« Mais quel enfant déchu d’une race héroïque
« Ne saura pas briser son joug asiatique ?
« Qui, sans mourir de honte, eût plus longtemps souffert
« De voir ses jours tremblans mesurés par le fer ;
« Chez des juges bourreaux l’or marchander sa tête,
« Pour son toit paternel la flamme toujours prête,
« De meurtres et de sang son air empoisonné ;
« Au geste dédaigneux d’un soldat couronné,
« Les fils noyés au sang des mères massacrées,
« Et, sur les frères morts, les sœurs déshonorées ?
« Oublierez-vous, Seigneur, qu’ils ont tous profané
« Votre héritage pur, comme un gazon fané ?
« Qu’ils ont porté le fer sur votre image sainte ?
« Que des temples bénis ils ont souillé l’enceinte,
« Placé sur vos enfants leurs prêtres endurcis,
« Et que sur votre autel leurs dieux se sont assis ?
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