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Les peuples l’écoutaient comme un antique oracle,
De son centième hiver admirant le miracle,
Ils le croyaient béni parmi tous les humains,
Deux prêtres inclinés soutenaient ses deux mains,
Et sa barbe tombante en long fleuve d’ivoire
De sa robe, en parlant, frappait la bure noire.
« Le voici, votre Dieu, Dieu qui vous a sauvés, »
S’écriait en pleurant et les bras élevés
Le Patriarche saint : « Il descend, tout s’efface :
« Ses ennemis troublés fuiront devant sa face,
« Vous les chasserez tous, comme l’effort du vent
« Chasse la frêle paille et le sable mouvant,
« Leurs os, jetés aux mers, quitteront nos campagnes,
« Et l’ombre du Seigneur couvrira nos montagnes.
« Le sang Grec répandu, les sueurs de nos fronts,
« Les soupirs qu’ont poussés quatre siècles d’affronts,
« De la sainte vengeance ont formé le nuage ;
« Et le souffle de Dieu conduira cet orage.
« Qu’il ne détourne pas son œil saint et puissant
« Quand nos pieds irrités marcheront dans le sang ;
« Hélas ! s’il eût permis qu’un prince ou qu’une reine
« Rallumant Constantin ou notre grande Irène,