Page:Vigny - Héléna, 1822.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Où fuir ? Sur le seuil de ma porte
Le Malheur, un jour, s’est assis ;
Et depuis ce jour je l’emporte
À travers rues jours obscurcis
Au soleil, et dans les ténèbres,
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau ;
De mes douleurs ses bras avides
M’enlacent ; et ses mains livides
Sur mon cœur tiennent le couteau.

J’ai jeté ma vie aux délices,
Je souris à la volupté ;
Et les insensés, mes complices,
Admirent ma félicité.
Moi-même, crédule à ma joie,
J’enivre mon cœur, je me noie
Aux torrens d’un riant orgueil ;
Mais le Malheur devant ma face
À passé : le rire s’efface,
Et mon front a repris son deuil.