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Et que vos pas moelleux, délices de l’amant,
Sur le chêne poli glissent légèrement ;
Dansez, car-dès demain vos mères exigeantes
À vos jeunes travaux vous diront négligentes ;
L’aiguille détestée aura fui de vos doigts,
Ou, de la mélodie interrompant les lois,
Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire ;
Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ;
Demain, sous l’humble habit du jour laborieux,
Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… ;
Ils chercheront en vain, sur la feuille indocile,
De ses simples discours le sens clair et facile,
Loin du papier noirci, votre esprit égaré,
Partant, seul et léger, vers le bal adoré,
Laissera de vos yeux l’indécise prunelle
Recommencer vingt fois une page éternelle.
Prolongez, s’il se peut, ô prolongez la nuit
Oui d’un pas diligent plus que vos pas s’enfuit !