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D’une voix qu’animait la fièvre du délire,
Ces rêves du passé : Mais enfin je respire.
Ô bords de la Provence ! ô lointain horizon !
Sable jaune où des eaux murmure le doux son !
prison s’est ouverte : ô que la mer est grande ?
Est-il vrai qu’un vaisseau jusque-là-bas se rende ?
Dieu ! qu’on doit être heureux parmi les matelots !
Que je voudrais nager dans la fraîcheur des flots !
La terre vient, les pieds à marcher se disposent,
Les mâts baissent leurs bras, les voiles s’y reposent.
Ah ! j’ai fui les soldats ; en vain ils m’ont cherché ;
Je suis libre, je cours, le masque est arraché ;
De l’air dans mes cheveux j’ai senti le passage,
Et le soleil un jour éclaira mon visage.
Ô pourquoi fuyez-vous ? restez sur vos gazons,
Vierges ! continuez vos pas et vos chansons :
Pourquoi vous retirer aux cabanes prochaines ?
Le monde autant que moi déteste donc les chaînes ?
Une seule s’arrête et m’attend sans terreur :
Quoi ! du Masque de fer elle n’a pas horreur ?
Non, j’ai vu les beautés de sa démarche, et celles
Qui venaient de ses· yeux en vives étincelles.