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Tel est le front glacé de la Juive infidèle.
Mais quel est cet enfant qui paraît auprès d’elle ?
Il voit des pleurs, il pleure, et d’un geste incertain
Demande, comme hier ; le baiser du matin.
Sur ses pieds chancelans il s’avance, et timide,
De sa mère ose enfin presser la joue humide :
Qu’un baiser serait doux ! Elle veut l’essayer ;
Mais l’époux, dans le fils, le revient effrayer,
Devant ce lit, ces murs ces voûtes sacrées
Du secret conjugal encore pénétrées,
Où vient de retenir un amour criminel ;
Hélas ! elle rougit de l’amour maternel,
Et tremble de poser ; dans cette chambre austère,
Sur une bouche pure, une lèvre adultère.
Elle voulut parler, mais les sons en sa voix,
Sourds et demi-formés, moururent à la fois,
Et sa parole, éteinte et vaine, fut suivie
D’un soupir qui sembla le dernier de sa vie.
Elle repousse alors son enfant étonnés,
S’arrache avec fureur au lit empoisonné,
Court vers le seuil, l’entr’ouvre, et là tombe abattue,
Telle que de sa base une blanche statue.