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Il est allé bien loin. » C’était ainsi, dans l’ombre,
Sur les toits aplanis, et sous l’oranger sombre
Qu’une femme parlait, et son bras abaissé
Montrait la porte étroite à l’amant empressé.
Il a franchi le seuil où le cèdre s’entrouvre
Et qu’un verrou secret rapidement recouvre ;
Puis ces mots ont frappé le cyprès des lambris :
« Voilà ces yeux si purs, dont mes yeux sont épris !
« Votre front est semblable au lis de la vallée,
« De vos lèvres toujours la rose est exhalée ;
« Que votre voix est douce, et douces vos amours !
« Ô quittez ces colliers et ces brillans atours !
« — Non, ma main veut tarir cette humide rosée
« Que l’air sur vos cheveux a long-tems déposée :
« C’est pour moi que ce front s’est glacé sous-la nuit !
« — Mais ce cœur est brûlant et l’amour l’a conduit !
« Me voici devant vous, ô belle entre les belles !
« Qu’importent les dangers ? Que sont les nuits cruelles,
« Quand du palmier d’amour le fruit va se cueillir,
« Quand sous mes doigts tremblas je le sens tressaillir ?
« — Oui… mais d’où vient ce cri, puis ces pas sur la pierre ?
« — C’est un des fils d’Aaron qui sonne la prière.