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exécuté franchement et nettement dans le seul genre qu’il eût connu, aimé et imité, celui de la tradition et de l’ancienne comédie. S’il eût poursuivi ses travaux, il lui aurait fallu, pour se maintenir au niveau de ses propres succès, modifier sa forme et la déguiser, changer sa manière et son style. Il fit mieux, il fut plus digne à lui de s’arrêter à temps et de regarder en silence se former sous ses yeux une autre génération littéraire novatrice, sérieuse et passionnée.

Un esprit nouveau s’était levé du fond de nos âmes. Il apportait l’accomplissement nécessaire d’une réforme déjà pressentie depuis des siècles ; jetée en germe par le christianisme même sur le sol français de la poésie, dès le moyen-âge ; soulevée, de siècle en siècle, par des précurseurs toujours étouffés ; remuée encore et à demi formée en théorie sous le règne de Louis XIII ; annoncée depuis et dévoilée par de magnifiques lueurs sorties de quelques grandes œuvres de plus en plus rapprochées de la nature, de la vérité dans l’art et du génie réel de notre nation ; – c’était dans notre âge que cette réforme pacifique devait éclater.

L’histoire en est récente et simple. Ce ne fut point une ténébreuse conspiration.

Depuis peu d’années la paix régnait avec la Restauration. Tout semblait pour longtemps